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Certains l’aiment chaude >>> La Calentita
Certains l’aiment chaude …La Calentita
Pressés par les privations, les hommes ont toujours su varier l’ordinaire en temps de guerre.
Une fois la paix revenue, ces idées peuvent devenir des plats dans le vent comme la galette de pois chiches >>> La calentitaSelon une légende, la «Calentica» aurait été inventée dans le fort de Santa Cruz, au 16e siècle, par des militaires espagnols
manquant de ressources alimentaires. Ils auraient mixé le reste de leur réserve de pois chiches avec de l’eau et
de l’huile pour donner ce plat dont la renommée a dépassé les frontières.
D’autres sources historiques parlent plutôt de prisonniers abandonnés sur les côtes oranaises par les espagnols.
Ils n’avaient pour survivre que de la farine de pois chiches. Leur préparation avait donné cette fameuse «Calentica»
qui a pu traverser les siècles pour devenir indissociable des habitudes culinaires des Algériens.C’est sans doute une autre légende culinaire qui associe la guerre à l’invention d’un plat.
Mais cette fois-ci, elle est plus plausible : c’est l’histoire de la nécessité qui fait loi.
Ce serait ainsi en 1703, lors du siège d’Oran, en Algérie, par les Turcs (encore eux) que serait née la calientica,
un flan de pois chiches dont on trouve des cousins sur toute la côte méditerranéenne, de la farinata génoise
à la panisse marseillaise en passant par la socca niçoise. Il est d’ailleurs fort probable que ce plat de pauvre
par excellence, qui nécessite seulement de la farine de pois chiches et de l’eau pour sa confection,
ait été consommé pendant le siège du fort. Selon l’historien algérien Lahouari Chaïla, ses défenseurs espagnols
n’avaient plus qu’un stock de pois chiches à disposition pour se nourrir. C’est alors qu’un cuisinier aurait eu
l’idée d’utiliser leur farine pour en faire un flan épais et crémeux, qu’on connaît bien de nos jours en Algérie
sous le nom de karantika ou garantita. Par coïncidence, une histoire similaire circule de l’autre côté
de la Méditerranée, à Gibraltar.Les habitants de cette enclave britannique à l’extrémité sud de l’Espagne, assurent que c’est pendant
le «Grand Siège» qui dura pas moins de trois ans, de 1779 à 1881, que naquit ce qu’ils appellent la calentita,
devenue aujourd’hui leur plat national. Cette fois-ci, c’étaient les Espagnols, aidés des Français,
qui tentaient de reprendre la main sur la forteresse stratégique, ravie par les Anglais en 1704.Selon Jennifer Ballantine Perera, directrice de l’une des plus anciennes bibliothèques de Gibraltar,
la Garrison Library, son origine remonte plutôt aux influences génoises, qui datent d’avant la colonisation
anglaise - et, par la même occasion, d’avant le siège d’Oran par les Turcs. On ne retrouve d’ailleurs pas trace
de la calientica sur la côte algérienne avant la colonisation française et l’afflux massif, dans la seconde moitié
du XIXe siècle, de travailleurs pauvres en provenance d’Espagne.
Car les deux plats ont en commun leur origine espagnole, dont le nom dérive du mot caliente, qui signifie «chaud».
La calentita est ce «petit quelque chose de chaud» vendu dans la rue, qu’on adore déguster à la va-vite,
et dont les pieds-noirs rapatriés en France se souviennent encore avec nostalgie.
Chassés en 1962 par une autre guerre, celle de l’indépendance algérienne, ces derniers ont cependant laissé
la recette de la calientica aux Oranais qui la dégustent en sandwich baguette, généreusement saupoudrée de cumin
et de harissa, en s’en mettant partout - comme elle est épaisse, la calientica durcit par en dessous mais reste
crémeuse sur le dessus. Elle fait toujours partie des recettes familiales et les immigrés algériens l’ont apportée
en France, où on peut la déguster à Barbès, aux Délices de Paris ou au Roi de la garantita. Une manière d’alléger
le pois de l’histoire.************
La Calentita Oranaise
la Socca Niçoise
La Farinata Ligurienne
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